Les chars de Gidéon
L’armée d’Israël se prépare à une opération d’une envergure inédite (selon ses propres déclarations) à Gaza qui serait déclenchée si un accord pour la libération des otages n’est pas trouvé avant la fin de la visite de Trump dans la région, prévue du 13 au 16 mai 2025.
Cette opération consiste à rassembler la population de Gaza dans un enclos (d’une superficie équivalente au tiers de celle de la bande) appelé « Zone stérile », c’est-à-dire totalement débarrassé de tout combattant palestinien, vu comme agent pathogène. L’armée pourra ainsi opérer dans les deux autres tiers de Gaza sans soucis pour les civils dont le nombre de morts et de blessés ont fortement dégradé l’image de Tsahal dans l’opinion qui compte, l’opinion publique occidentale. L’opération en question « les chariots de Gidéon » fait référence à un héros biblique du XII – XI e. s. avant Jésus, Gidéon.
Pourquoi avoir choisi ce nom énigmatique alors que les opérations précédentes d’Israël à Gaza, portaient des noms sans connotation religieuse et qui parlaient d’eux-mêmes (Plomb durci, Bouclier du nord, protection de nos frères….) ?. Un autre sujet d’interrogation est que la victoire de Gédéon, comme nous allons le voir, symbolise dans la Bible la victoire du faible sur le fort alors que le rapport de force actuel entre le Hamas et l’armée d’Israël est clairement en faveur du dernier: Le faible c’est le Hamas le fort c’est l’armée d’Israël.
La réponse à cette seconde interrogation me semble relativement évidente : Israël est, comme on sait, dès sa naissance passé maître dans l’art de la victimisation.(1)
Pour tenter de répondre à la question qui reste en suspens, il faut commencer par raconter la légende de Gidéon
L’histoire se passe entre 1200 et 970 avant J.C. (selon la datation biblique) au cours de la période de l’histoire des Juifs dite des « Juges » qui se situe entre la fin de la conquête du pays de Canaan et la monarchie de Saül (suivi de David et Salomon). Période de l’histoire d’Israël, dite de la Monarchie Unifiée (1)
Le peuple d’Israël est attaqué par les Madianites, des nomades du désert arabique. Dieu choisit, alors, Gidéon un homme humble de la tribu de Manassé pour mener le combat contre les envahisseurs. Gidéon surpris que le choix divin se porte sur lui, demande à Dieu des preuves que c’est bien Lui et non quelque esprit malin. Test auquel Dieu se prête de bonne grâce au moyen d’une toison de mouton qui reste sèche en dépit de la pluie qui s’abat sur elle et dégouline de rosée alors que le soleil brille et l’air est sec.
Convaincu, Gidéon rassemble une armée de 32 000 hommes pour attaquer les Madianites mais Dieu en réduit les effectifs à 300 afin que la victoire ne soit pas remportée par la force des hommes mais par leur foi en Dieu. Ceux-ci ne sont armés ni d’épées ni de lances mais de cruches, de torches et de trompettes. La nuit venue, ils encerclent le camp ennemi et, sur ordre de Gidéon, ils fracassent les cruches, enflamment les torches et donnent des trompettes. Pris de panique, les Madianites s’enfuient, Israël les poursuit et les vainc.
Le peuple veut faire de Gidéon son roi mais celui-ci refuse en disant « ce n’est pas moi qui règnerai sur vous ni mes fils c’est l’Eternel qui régnera sur vous » (Juges 8 : 23) (2).
Comme voulu par Dieu, Israël, sous la conduite de Gidéon, a vaincu les Madianites par la foi et la ruse et non par la force brute comme celle déployée par ses ennemis.
A présent que nous sommes plus instruits, revenons à la résolution de l’énigme posée au début de ce papier : Pourquoi « Chars de Gidéon » pour désigner une opération d’une « brutalité sans précédent » alors que le Gidéon biblique – humble quidam qui n’a jamais eu de chariot, ni été un brillant stratège – avait vaincu ses ennemis en leur faisant peur uniquement, sans faire couler de sang.
Etant à court de réponse j’ai refilé la colle à ChatGPT qui propose l’explication possible que je résume ci-après : 1/ « chars de Gidéon » est probablement une construction symbolique qui allie l’image du héros biblique divinement inspiré et la puissance technologique moderne 2/ le message que cherche à transmettre Israël serait : nous sommes les héritiers spirituels et intellectuels de Gidéon, avec en prime, les moyens de notre temps. Notre victoire est voulue par Dieu et nos chars sont les moyens de réaliser cette volonté.
Rien de génial, je vous l’accorde.
Faute de mieux on pourrait voir l’annonce de l’opération « chars de Gidéon » comme hasbara (terme hébreu qui signifie propagande). Les palestiniens, terrifiés par le sort qui leur est promis, vont se réfugier comme des agneaux dans l’enclos sûr qui va leur être désigné, où ils seront à l’abri des frappes israéliennes et nourris grâce à la charité internationale. Et les combattants palestiniens ? Peut être, évaporés par la volonté de Yahvé comme les soldats de l’armée madianite. Une victoire sans effusion de sang comme celle de Gidéon.
Elémentaire mon cher Watson..
- L’histoire (brève et simplifiée) des Juifs de l’antiquité fait l’objet d’un ouvrage en préparation dont les deux premiers chapitres ont été publiés dans mon site web mohammedchraibi.com, rubrique culture..
- Le dieu d’Israël a peu d’estime (le moins qu’on puisse dire) pour la monarchie comme le montrent de nombreux passages de la bible notamment celui où les Juifs demandent un « roi comme toutes les nations ». Dieu exauce leur vœu tout en les avertissant par la voix du prophète Samuel qu’ils auront à le regretter.
- A titre d’exemple, je raconte dans mon livre (le conflit israélo palestinien) comment Rachid Khalidi, brillant historien palestino américain, marchant dans une rue de New York pendant la guerre des six jours (1967), était tombé sur une bande d’adolescents juifs qui collectaient les dons des passants dans un drap tenus au quatre extrémités