À la recherche de Dieu à Gaza : pourquoi tant d’otages israéliens renouent avec le judaïsme
De plus en plus de témoignages d’otages récemment libérés et de leurs familles témoignent d’un intérêt renouvelé pour le judaïsme, notamment en ce qui concerne l’observance des rituels en captivité. Pourquoi des otages laïcs se tourneraient-ils vers la pratique juive dans des conditions de torture et d’abus ?
Au milieu des horreurs, les témoignages des otages partagent souvent un thème récurrent : la décision de participer aux rituels juifs, souvent prise par des captifs issus de milieux laïcs.
Certains ont parlé du jeûne de Yom Kippour, tandis que d’autres ont adapté les prières du vendredi soir, en utilisant de l’eau à la place du vin
Depuis leur retour, les cinq jeunes femmes qui ont été capturées dans leur base militaire de Nahal Oz ont raconté comment elles ont adopté les rituels juifs. Individuellement et, lorsque c’était possible, ensemble, elles ont célébré presque toutes les fêtes juives pendant leur captivité, persuadant parfois leurs ravisseurs de leur fournir des objets tels que des bougies de Shabbat et même un livre de prières hébraïques laissés par les soldats israéliens [tués, faits prisonniers ou ont pu prendre la fuite].
Après sa libération, Liri Albag s’est souvenue des façons ingénieuses dont elles ont adapté les rituels des fêtes aux conditions de détention : du miel et une carotte pour Roch Hachana ; des décorations de fortune pour Souccot [ou « fête des cabanes » qui commémore l’usage d’abris de fortune lors de l’Exode à travers le désert] accrochées aux murs et plafonds de la petite pièce où elles étaient détenues ; une bougie électrique pour simuler les lampes à huile de Hanoukka [Commémoration de la restauration du second temple « dé-sacralisé» par les Grecs qui avait provoqué la révolte dite des Macchabées en 167 av. Jésus] ; et une Haggadah [texte qui énonce l’ordre du Seder de la Pâque. Le Seder est le banquet servi le jour de Pessah – Pâque juive] . Une autre otage libérée-Daniella Gilboa- a raconté comment elles ont appris à réciter des passages de la liturgie juive qu’elles ont traduits en arabe, de peur que leurs ravisseurs ne les punissent pour avoir prié en hébreu. »
Ces extraits d’un article publié dans Haaretz le 10 mars dernier sous le titre « Fiding God In Gaza, why so many hostages are reconnecting with Judaism » ont retenu mon attention pour deux raisons.
La première est que le phénomène rapporté dans cet article illustre parfaitement le sens exact à donner à la formule de Marx (la religion est l’ opium du peuple). Pour beaucoup cette formule est la condamnation par Marx du phénomène religieux en tant qu’outil au service du Capital. Selon eux la religion a, sur le cerveau du travailleur, l’effet d’une drogue qui le soustrait à la réalité de sa condition d’homme exploité . Or rien n’apparait plus faux quand on se reporte à la citation de Marx dont cette formule est extraite. La voici : « la religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur comme elle est l’esprit d’un temps sans esprit« . Je ne crois pas exagérer de dire que c’est le monde et le temps dans lesquels les otages ont vécu pendant leur détention.
La seconde peut paraître en contradiction avec la première alors qu’elle ne l’est pas si on considère que, quelles que soient les conditions de sa détention, le fait même d’être retenu en otage pendant des mois et sans motif moralement admissible, est contraire aux lois de l’humanité. La seconde raison est que le récit que les otages font de leur détention s’inscrit en faux contre les accusations de mauvais traitements systématiques infligés aux détenus et surtout d’antisémitisme portées contre les combattants palestiniens. Ce récit met en lumière la pluralité des cas de détention. Certains, détenus par le Hamas dans les tunnels ont certainement connu les conditions les plus terribles ; privation de lumière, de nourriture, d’hygiène et de soins en plus de sévices physiques probables. C’est ceux là que Trump et les médias ont qualifié de rescapés de l’holocauste à leur libération.
Mais d’autres ont été détenus par d’autres factions de la Résistance et même par des civils. Ce qui explique qu’ aucun des otages dont les témoignages, rapportés au début ne fait état de conditions de détention inhumaines. Au contraire, Liri Albag et ses collègues – pourtant des spotters, auxiliaires de l’armée – parlent de la « petite pièce où elles étaient détenues » et de la sollicitude de leurs gardiens à leur égard. A aucun moment, elle n’ont fait état de violence physique ni d’abus sexuels dont les ravisseurs sont systématiquement accusés par les politiques et les médias israéliens.
Mais, le plus important dans ces témoignages est l’absence total de toute accusation antisémite, alors que ce type d’accusation est distribué à profusion en Israël et en occident contre toute parole ou acte jugé comme étant hostile à Israël. Tous les otages qui témoignent dans cet article de Haaretz mettent l’accent sur l’aide qui leur a été fournie par leurs ravisseurs en vue de pratiquer leurs rites religieux.
On ne saurait trop répéter que le combat des Palestiniens contre Israël n’est pas le fait d’islamistes fanatiques et barbares mais de combattants, certes pour la plupart pieux musulmans, pour libérer leur pays de l’occupation israélienne. Parler du caractère antisémite de ce combat est hors de propos même si on admet que le texte fondateur d’une des factions de la Résistance en est fortement marqué (cf. Blog intitulé « Quelle est la doctrine du Hamas ? »). Ce sont les actes et non les propos qui font la réalité.